Homélie pour le 11ème dimanche ordinaire B

Où sont ceux qui disent que l’Église a disparu du monde ? C’est la question que posait déjà St Augustin au IVème siècle. Depuis, beaucoup ont prophétisé son enterrement imminent, et qui sont eux-mêmes dans la tombe. Aujourd'hui, on a de nouveau l'impression que notamment parmi la jeunesse, l’Église est en perte de vitesse. L’Évangile d'aujourd'hui tombe donc à point pour que nous comprenions mieux le mystère de l’Église. A ces premiers chrétiens, qui eux aussi, ne voyaient pas suffisamment briller le Royaume tant annoncé par le Christ, les deux petites paraboles que nous venons d’entendre, venaient rappeler opportunément que l’Église n'est pas un Royaume comme les autres, mais un Royaume qui grandit discrètement, imperceptiblement, sans éclat, silencieusement.

Le Royaume, nous dit Jésus, est semblable à une graine de moutarde, la plus petite des semences, mais qui pourtant grandit, au point que les oiseaux du ciel viennent y faire le nid à son ombre. On repère là facilement la façon de faire de Dieu, qui révèle sa puissance créatrice en faisant surgir un développement étonnant à partir de peu. Un petit gland tombé d'un chêne, va germer, laisser une tige monter vers le ciel, puis devenir un arbre vénérable. Et c'est la même façon d'agir de Dieu pour l’Église : Au Golgotha, cette Église, qui sort du coeur percé du Christ, n'est pas très impressionnante : trois personnes. Une maman en larmes, une ancienne prostituée, un jeune prêtre ordonné de la veille, Jean. Qu'est-ce que Dieu va bien pouvoir faire avec ce misérable trio ? À la Pentecôte, sous le vent de l'Esprit, l’Église prend son envol. Mais là encore, qui aurait oser parier sur le succès de ces onze premiers apôtres sans diplômes, sans armée et qui pourtant en quelques années vont porter la Bonne Nouvelle dans tout le monde romain, et transmettre le flambeau à toutes les générations suivantes : Le Christ aurait-il vu juste quand il annonçait que l’Évangile serait porté jusqu'aux extrémités de la terre ?

La barque de l’Église a essuyé et essuiera de terribles tempêtes, mais elle avance, confiante. La barre est tenue fortement par Celui qui a promis d'être toujours avec elle jusqu'à la fin des siècles.

C'est tout le sens de la première parabole de l’Évangile du jour : La semence germe et grandit, le semeur ne sait comment. Et cette immense efflorescence annuelle se fait dans le silence total des jours et des nuits. Le bouillonnement de la vie est silencieux ! Les grands oeuvres du Seigneur se passent dans le silence : l'Incarnation, dans le silence de Nazareth, Noël, au milieu du silence de la nuit, la Résurrection dans le silence de la nuit de Pâques.

C'est vrai pour l’Évangile dont l'esprit transforme le monde, sans même que le monde s'en aperçoive, doucement, imperceptiblement, lentement, silencieusement. L'Esprit est discret. Il a fait jaillir la vie sans bruit, il sème l'amour à l'échelon de la planète. Jésus est discret. Il est discret, parce qu'il est un amoureux, et qu'un amoureux ne force pas les portes des coeurs. Sa joie est de se confier progressivement, respectueusement.

L’Église se doit d'être discrète, elle contemple le ressuscité, mais sans oublier qu'il est aussi le crucifié. Elle contemple le Sauveur du monde, sans oublier aussi qu'il est le rejeté du monde. On reproche à l’Église d'être trop peu médiatique. Mais si le Christ était venu sur terre en notre siècle, aurait-il organisé sa naissance ou sa résurrection sur le modèle fastueux des grandes cérémonies sportives ou nationales ? Vous sentez bien qu'on n'est pas dans le même registre. Et qu'il y a une discrétion de l’Église qui crie plus fort que les exhibitions triomphales. En ce mois de juin, la campagne est belle, les prairies sont verdoyantes, les blés poussent et les épis drus pointent vers le soleil. Et c'est vrai que tout se fait en douceur sans l'intervention du cultivateur. Et pourtant, il a fallu qu'il laboure, qu'il sème, qu'il désherbe et prépare la terre. Tout est de la nature et tout est de l'homme. Il en est de même du Royaume. Dieu est à l'oeuvre, le Royaume avance, la moisson est certaine et garantie, on peut faire confiance à l'Esprit. Les chrétiens sont conviés à porter la Bonne Nouvelle. Ils seront efficaces en aidant l’Église à assumer sa tâche. L’Église n'est pas parfaite. Alors, au lieu de perdre son temps et ses énergies à la critiquer, ou à faire un continuel mea culpa, employons-nous à l'aider, et apprenons à l'aimer.

Homélie pour la Sainte Trinité

La fête de la Sainte Trinité, que nous célébrons aujourd'hui, est la seule à ne pas commémorer un événement bien daté, et bien localisé... dans l'histoire et la géographie. Noël, la Passion, Pâques, la Pentecôte, sont des faits historiques précis et concrets, qu'on peut mettre en image. Dieu s'est vraiment incarné.

Mais après les cycles liturgiques évoqués depuis six mois, déroulant la vie de Jésus de Nazareth, en son temps et dans son pays, la Palestine... voici que pour tout conclure, l'Eglise nous proposerait-elle, pour une fois, une idée abstraite!

Nous devinons que tous les événements historiques qui remplissent notre Credo ont une source, une mystérieuse source, en dehors du temps, et en dehors de toute localisation. Notre Credo est construit sur un rythme trinitaire: le Père, le Fils et l'Esprit. Notre baptême chrétien est donné au Nom de cette même Trinité. Et le signe du chrétien, le signe de croix, enveloppe notre corps « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ».

Pourtant, la Trinité, si importante pour nous, n'est pas une «idée». Elle ne peut se révéler à nous que par Jésus Christ. Ce n'est pas une construction intellectuelle de théologiens ou de philosophes. La Trinité n'a pas été élaborée par de savants conciles. Elle s'impose à travers l'Évangile, à travers les comportements de Jésus de Nazareth. Il faudrait relire tout l'Evangile, pour y découvrir comment Jésus est tourné vers le Père et promet d'envoyer leur Esprit commun. La personne même de Jésus plonge dans le mystère de Dieu, qui, tout en restant «Un», comme l'affirment aussi la plupart des grandes religions... prend soudain le relief de Trois visages.

La page de Matthieu que nous lisons aujourd'hui est la conclusion de tout son évangile: c'est un concentré théologique étonnant, mais qui ne dit rien de plus que tous les humbles récits concrets qui précédaient.

Le mot Église signifie «assemblée». Le vrai Dieu est un Dieu qui prend l'initiative d'inviter. Quand un chrétien va à la messe, ce n'est pas lui qui a, soudain, l'envie personnelle de faire un certain geste. C'est Jésus qui l'a «convoqué» à y venir. Notre foi n'est pas d'abord une construction intellectuelle, c'est une «réponse » à quelqu'un qui nous appelle.

Acceptons-nous de nous laisser convoquer par Jésus sur une montagne! La Trinité ne peut qu'agrandir mes trop petits horizons. J'accepte l'invitation à monter sur une cime. C'est une escalade de haute montagne !

Dieu ne se met pas en formules, en idéologies. Dieu ne peut pas être rationalisé, enfermé dans une définition. Dieu n'est pas une vérité à comprendre. C'est quelqu'un à adorer. L'adoration est le plus grand geste que l'homme puisse faire !

Après la vie obscure du petit charpentier de Nazareth, voici qu'éclate l'Heure de Vérité. C'est apparemment la dernière page, le dernier épisode de la vie d'un pauvre homme... et pourtant c'est le début de la plus grande aventure de tous les temps, inexplicable selon les normes courantes de l'histoire: Jésus remplit « tout » !

Tel est le Dieu au nom duquel nous avons été baptisés. Le mystère de la Trinité nous dépasse de partout. On s'y plonge... comme dans un abîme sans fond. Et ce Dieu-là n'est pas lointain. Il est avec nous tous les jours... Père, Fils, Esprit.

Homélie pour le 6ème dimanche de Pâques B

Les chrétiens du monde entier qui écoutent aujour­d’hui les lectures de ce jour entendent vingt et une fois le mot Amour, inlassablement répété par saint Jean, dans son Épître et dans son Évangile! Ce message caractérise le christianisme: Aimer! Pourtant, ce mot, apprêté à toutes les sauces sur les radios et les écrans de télé, en est devenu banal et vulgaire. Il n’y a pas de mot plus ambigu que celui-là. Chanté sur le ton des rengaines les plus insignifiantes, il finit par être traîné dans la rue et dans la boue. Pourtant, inlassablement répété, il demeure fascinant. Nous sommes pétris d’amour, faits pour aimer et être aimés. Comment peut-il se faire que nous puissions rapetisser l’amour, l’édulcorer? Or, justement le Christ, dans l’Évangile du jour, nous dit son désir d’être aimé, et surtout ce qu’est vraiment l’amour. L’amour est un mot piégé. Mais aimer le Christ, ce n’est pas lui dire de belles paroles gentilles et sans conséquences. Aimer, c’est faire ce qu’il attend de nous, rester fidèles à ses commandements. Aimer le Christ, ce n’est pas dire de belles paroles sur les démunis en mégotant pour ouvrir sa bourse ; C’est encore moins les aimer en fonction de l’utilité qu’ils présentent pour nous, et donc les utiliser. Aimer, c’est agir concrètement. Aimer, c’est prendre le risque d’aimer. L’amour envers Dieu et envers les autres est toujours un pas dans le vide pour aller accueillir et rencontrer l’inconnu. L’amour peut nous emmener tellement loin de nos rassurantes sécurités. Et ce n’est jamais facile d’aimer les autres. Aimer, c’est devenir des pratiquants de l’amour. Peut-être que certains d’entre vous, vous avez eu un jour ou l’autre à souffrir d’être traités de “pratiquants”, comme si les “pratiquants” étaient forcément des “formalistes”, des inconditionnels de l’eau bénite, des gens qui se donnent bonne conscience pour se dispenser d’aider leurs frères. Sachons-nous défendre, en nous disant des “prati­quants de l’amour”. C’est par amour que nous faisons l’effort chaque dimanche d’aller au rendez-vous de Dieu. Peut-on dire qu’on aime son conjoint si on n’a aucun geste d’amour envers lui ? “Je suis amoureux, mais pas pratiquant”! Voilà exactement ce que disent ceux qui aiment affirmer qu”ils sont croyants, mais pas pratiquants.” Oui, soyons des pratiquants de l’amour... de l’amour de Dieu et, bien sûr également de l’amour de nos frères... Aimer, c’est se laisser habiter par l’amour. Aimer, c’est en fait accueillir cette mystérieuse présence de l’Esprit d’Amour. Aimer, c’est donner, mais c’est d’abord accueillir le don des autres, et surtout le don du Tout-Autre. C’est se savoir pauvre, assez pauvre pour faire appel à une richesse extérieure. Aimer, c’est se mettre à l’écoute du Maître intérieur, justement pour savoir comment aimer. Mais, pour l’homme, l’amour vrai est chose rare et difficile; le goût de la possession, de l’égoïsme, de la vanité vient toujours entacher nos plus belles générosités. Encore faut-il laisser Dieu aimer en nous ! Voilà la grande récompense de ceux qui aiment le Christ de cet amour qui fait sa volonté : il leur sera donné de le voir vivant... Le croyant devient un voyant qui perçoit la mystérieuse présence du ressuscité dans l’éclosion du lilas, comme dans le regard du pauvre, dans le recueillement d’une cérémonie comme dans la joie de ce nouveau baptisé, dans le cœur des êtres généreux comme dans son propre cœur. Il est un voyant comblé. Il est un voyant étonné. Être chrétien, c’est d’abord être étonné. Être étonné à jamais. Étonné de vivre.

Homélie pour le 6ème dimanche B

Le livre des Lévites fait partie des livres de la Bible mais il n'est sans doute pas le plus lu aujourd'hui. Le passage que nous venons d'entendre nous semble dur : c'est une loi d'exclusion. Ceux qui sont atteints par la lèpre doivent être chassés de la communauté. Nous ressentons la dureté de cette loi d'autant plus durement qu'aujourd'hui la question de l'exclusion se pose encore d’une autre manière avec d’autres lèpres.

Dans l'évangile de ce 6ème dimanche, nous voyons Jésus enfreindre la loi et entrer en relation avec un lépreux. Il va même jusqu'à le toucher. Ensuite il le guérit et lui enjoint d'accomplir les prescriptions de la loi qui lui permettront de réintégrer la société des hommes. En ce sens, Jésus apparaît comme celui qui lutte contre l'exclusion des autres. Mais la conséquence pour Jésus c'est qu'il est lui-même exclu : "Il était obligé d'éviter les lieux habités". On croit entendre le livre des Lévites : "Il habitera à l'écart, sa demeure sera hors du camp."

Pour compléter le message de ce dimanche l'apôtre Paul nous recommande de n'être obstacle pour personne mais de faire comme lui qui, à l'exemple du Christ Jésus, s'adapte à tout le monde et cherche l'intérêt de la multitude des hommes.

L'attitude de Jésus vis à vis du lépreux, les recommandations de Paul, tout cela nous atteint aujourd'hui où nous voyons tant de formes d'exclusion à l'œuvre dans la société et même dans l'Eglise. Ceux qui ne s'adaptent pas, ceux que nous ne pouvons pas supporter, ceux auxquels nous ne pouvons pas nous adapter, se trouvent mis à l'écart, écartés, évités.

Les bonnes paroles sont faciles à dire surtout quand on habite un quartier tranquille. Les protestations de fraternité universelle sont aisées tant que nous ne sommes pas au pied du mur, sur le terrain, avec sur les bras un homme, une femme, un jeune qui se sentent exclus, qui ont parfois fait tout ce qu'il fallait pour être exclus. Dans ces cas-là, que peut-on faire?

La parole de Jésus au lépreux qu'il vient de guérir est mystérieuse : "ta guérison sera pour les gens un témoignage". Bien sûr, il s'agit en premier lieu de guérir un homme et de le réintégrer dans la société mais, en plus, Jésus considère cette réintégration comme un témoignage. Aider un exclus à se réintégrer devient un témoignage.

Voilà, tout d'un coup, que l'accueil et l'exclusion prennent une nouvelle signification. Il ne s'agit plus seulement d'être gentil, d'avoir bon coeur, d'être compréhensif. Il s'agit de témoigner du sens que nous voulons donner à la vie.

C'est ce ce que Jésus dit sous une autre forme quand il nous demande d'imiter le Père des cieux. Réintégrer, accueillir, c'est imiter le Père des cieux, c'est essayer de rendre ce monde fraternel, comme aux temps de la création, quand Dieu donnait tout l'univers à tous les hommes, sans exclusivité.

Le récit de réintégration du lépreux se termine par l'exclusion de Jésus : "Il était obligé d'éviter les lieux habités". L'exclusion de Jésus va bientôt culminer dans sa mort solitaire sur la croix. Cette exclusion est aussi son suprême témoignage : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime".

L'exclusion renouvelle la passion. Quand je me trouve devant un frère exclu, je suis comme devant Jésus au cours de sa passion : je puis, comme les apôtres m'enfuir ; comme Pilate, je puis condamner; comme Marie, je puis me tenir debout au pied de la croix. Dans la personne des exclus, Jésus est en agonie jusqu'à la fin des temps et il m'attend.

Homélie pour le 5ème dimanche ordinaire B

Ils ne sont pas rares les livres qui racontent, dans le détail, la journée de travail d’un homme illustre : une journée de Barack Obama à la Maison Blanche, une journée du Pape François au Vatican, une journée de François Hollande à l’Élysée. C’est un peu ce que fait aujourd’hui Marc en nous donnant le contenu de l’une des journées de Jésus, au cours de ces trois années passées à répandre la Bonne Nouvelle. Manifestement, l’Évangile le dit, Jésus se lève très tôt. Et son premier souci, c’est la prière. Ce cœur à cœur matinal avec le Père est son pain quotidien. C’est là qu’il puise sa force pour la journée qui l’at­tend, c’est là qu’il puise l’énergie et la joie qui vont l’habiter tout au cours d’une journée. Ainsi, dans cette période intense d’apostolat, la contemplation n’est pas absente, elle est au départ de son action. Et nous qui avons toujours mille excuses pour reporter la prière, sous prétexte que l’action, voire l’apostolat sont l’urgence des urgences...

Jésus, maintenant, va commencer pour ses disciples une formation sur le tas ! Pas de conférences, ni de sémi­naires fermés, mais une formation en plein vent. Ils vont accompagner Jésus sur les chemins et voir comment il s’y prend. Et le travail, à cette heure de la journée, lui est dicté par les événements, sa réputation le précède, et les malades accourent. Et Jésus, devant cette misère, est touché; il apaise, il guérit. Mais la vraie guérison que le Christ est venu apporter aux hommes, c’est la libération des cœurs, c’est la libération du péché. Cette lutte avec le mal est donc une partie non négligeable de sa mission, et l’Évangile souligne à de nombreuses reprises la chasse que le Christ fait aux “mauvais esprits”. Par les mauvais esprits, il faut entendre, non seulement les démons, qui visiblement sont gênés par cette présence du Saint de Dieu, mais aussi tous ceux que le péché retient en esclavage. Le démon, nous n’y croyons guère, et nous laissons aux émissions sur le paranormal le soin de faire de l’audimat avec le surnaturel douteux. Le mal, il est dans notre société, qui « appelle bien le mal, et mal le bien », comme disait Isaïe, qui estime que tout est permis. Le mal, il est dans notre vie à nous… chaque fois que, par peur ou snobisme, nous devenons, par notre silence les complices indirects d’un monde qui a perdu tout repère sérieux. En cet univers de l’informatique et de la communication, les chrétiens seront-ils capables d’être sur les ondes et les petits écrans, les témoins vibrants et courageux de la vérité, quitte à aller à contre-courant des idées reçues ? Mais la partie la plus importante de la “journée de Jésus”, c’est avant tout la proclamation de la Bonne Nouvelle. C’est là sa mission première. Je suis sorti pour cela, et saint Paul, dans la deuxième lecture y fera écho : Malheur à moi, si je n’annonçais pas l’Évangile. Non, Jésus n’est pas d’abord un un magicien qui veut séduire les foules. Et quand il sent que les foules le recherchent uniquement à cause de ses dons évidents de guérisseur, alors, il s’éclipse. Et nous ? Que demandons-nous à Jésus : la santé ou la sainteté ? Que demandons-nous à notre religion ? Des assurances-tous-risques et gratuites dans les difficultés de la vie, ou un rappel des exigences de l’amour, une transformation de notre cœur ? Sommes-nous préoccupés de proclamer la bonne Nouvelle ? La journée du Christ, une journée bien remplie. Ma journée de chrétien, à travers des tâches bien précises qui sont mon devoir d’état, comporte-t-elle parallèle­ment des temps de prières ? Une ouverture sur les souffrants rencontrés ? Un refus de la compromission avec le péché qui me sollicite à chaque instant ? Et enfin, à l’occasion, un témoignage et simple et vrai de la Joie de l’Évangile qui m’habite ?

 

Homélie du 2ème dimanche de l'Avent B

Ce texte d’évangile est comme le générique d’un film: ça donne le ton et ça donne envie d’aller plus loin. Enfin quand on aime les films d’auteur. Marc, en une formule lapidaire, dit : « Bonne Nouvelle de Jésus Christ, fils de Dieu. » Sans doute cette nouvelle est-elle difficile à entendre pour certains d’entre nous. Mais cette introduction, comme une bande-annonce, résume ce qui sera développé par la suite. Quand vous participez à l’inauguration d’un magasin, d’un musée, vous pensez avoir tout vu, mais vous vous dites aussi : « Il faudra que je revienne pour prendre plus de temps. » Inaugurer, ce n’est pas tout découvrir. Quand nous entendons ces mots: «Bonne Nouvelle de Jésus Christ, Fils de Dieu », nous avons besoin d’explications. Et c’est l’ensemble du livre de Marc qui nous les donnera. Lire l’Évangile aujourd’hui, c’est essayer de faire comme Marc. Il rappelle une parole du passé, et montre une situation contemporaine. Par exemple, cette phrase : « une voix crie dans le désert: préparez le chemin du Seigneur. » Quel prophète, de nos jours, crie dans le désert? Qui vitupère en disant : «Préparez l’avenir ! » Et pour y arriver, il y a des collines à raboter : ces bosses de nos préjugés contre l’Église, les évêques, les prêtres, les autres chrétiens à la sensibilité différente... ou contre Dieu confondu trop souvent avec les faux dieux. Les remblais de nos attachements à l’argent, que nous n’arrivons pas à balayer de nos vies. Ces chaines de montagne que constituent nos défauts avec surtout le piton prétentieux de l’orgueil : le mont de « l’Ego ». Il y a des tunnels à creuser : Oser ouvrir sa carapace pour y laisser entrer le Seigneur ! Il y a des vallées à combler, des ponts, voire des viaducs à jeter. Au lieu de faire des murs, il faut faire des ponts. Tant que nous ne verrons pas que la vie est inhumaine, rien ne pourra changer. C’est pourquoi des prophètes nous alertent et crient le désespoir des sans-voix. Lorsque le mal est nommé et reconnu, il est possible d’espérer une amélioration et d’annoncer du bon et du neuf pour tous. Le retour du religieux suscite enthousiasme mais aussi fanatisme. Le critère de la foi n’est pas là. Il est dans l’action qui prépare le chemin. Tous ceux qui prennent des initiatives pour guérir les blessés de notre société, tous ceux qui construisent l’avenir selon le respect de l’homme, aplanissent la route et contribuent à la venue d’une qualité de vie qui révèle la divine origine de l’homme. C’est cela aussi préparer Noël.

Homélie pour la fête de l'Immaculée Conception

Le 25 mars 1858, La Vierge de la Grotte de Massabielle à Lourdes donne son nom à Bernadette, en écartant ses mains jointes et les joignant à la hauteur de la poitrine, lève les yeux au ciel et dit en patois : "Je suis l’Immaculée Conception". Bernadette court alors au presbytère en se redisant sans arrêt, pour ne pas les oublier, les paroles précieuses : "Je suis l’Immaculée Conception". Et pour la première fois, le curé de Lourdes est désarçonné : "Où cette enfant qui sait si peu de catéchisme est-elle allée chercher une telle formule ?".

Ces paroles ne pouvaient être qu'inintelligibles pour cette paysanne de 14 ans. Elle ignorait totalement que le 8 décembre 1954, le pape Pie-IX avait solennellement défini, comme dogme de foi, la Conception Immaculée de Marie : La Bienheureuse Vierge Marie, au premier instant de sa conception fut, par grâce et privilège singulier du Dieu tout-puissant, préservée du péché originel.

Le privilège accordé à Marie, c'est que, dès sa concep­tion, elle a reçu en plénitude la grâce de Dieu et tout son être est imprégné de l'Esprit Saint. Mais l'étonnant est que cette grâce qui lui est donnée, est obtenue par son Fils, qui n'est pas encore né ! Il n'est de vraie beauté que celle qui porte la marque de la discrétion, de la simplicité, et renvoie à Dieu la gloire de ses dons qui en font le rayonnement. Et si Marie est si belle, c'est qu'elle est la transparence par laquelle Dieu se laisse percevoir. Cette réceptivité totale à la grâce fait de Marie ce cristal qui laisse transparaître toute la beauté infinie de Dieu.

Gâtée de Dieu, privilégiée par excellence, Marie reste pourtant une femme comme les autres, totalement solidaire de toute l'hu­manité.

Marie est une femme de chez nous :

Elle n'est pas une météorite a fortiori la quatrième personne de la Ste Trinité, comme la dévotion de certains aurait pu laisser croire.

Elle est une femme du peuple, une femme toute ordinaire, indiscernable des autres, tellement indiscernable que les gens de Nazareth n'ont jamais su la chance qu'ils avaient d'avoir dans leurs murs la femme qui sera un jour la plus connue du monde. Marie est la ménagère du petit matin : retrouver Marie en tablier redonnant toute dignité aux humbles tâches quotidiennes. Notre-Dame des tâches monotones, des lessives sans fin, des nuits sans repos...

Marie, la priviligiée est d'abord Marie-l'humilité :

Tous ces dons, elle les reçoit de Dieu. Tous ces dons, elle les a reçus pour être la Mère de son Fils : elle est centrée sur Lui, qui est sa raison d'être profonde.

La fête de l'Immaculée Conception est pour nous occasion de nombreuses réfléxions pour notre vie de tous les jours, en nous donnant notamment un optimisme enthousiaste.

D'abord Marie nous donne le profil de notre propre réussite : en elle, toute l'humanité a trouvé sa revanche sur le péché. En elle, toute l'humanité a retrouvé sa beauté. Comme Marie, chacun de nous a été choisi, voulu d'avance pour recevoir à son tour la grâce de se tourner vers son Créateur.

Nous savons maintenant et surtout, que la grâce nous est offerte, mais dans la mesure où nous sommes ces simples que Dieu aime tant. Vides de nous-mêmes, nous devenons plus facile­ment récepteurs à ses appels. Comme on demandait au théolo­gien, le P. Martelet si d'un mot, il devait dire ce que cela engage de croire en l'Immaculée Conception pour un chrétien de ce siècle, il répondit : Ce que cela a toujours engagé ! Une simplicité du coeur pour accueillir Dieu.