La Lapidation de Saint Etienne retrouve sa place sur le chevet Nord

LA CATHÉDRALE RETROUVE TOUT SON RELIEF

(Populaire du Centre du jeudi 26 février 2015 – Estelle Rousset estelle.rosset@centrefrance.com)

Lundi et mardi, cinq statues usées par le temps ont été remplacées par des copies, à l'extérieur de la cathédrale Saint-Étienne. Une opération de grande envergure, menée sous l'œil attentif des conservateurs du patrimoine.

Sur le chevet nord de la cathédrale, les passants peuvent désormais observer un ensemble de cinq statues, reproductions du groupe lapidaire de saint Étienne. Fraîchement réalisées, ces sculptures trônent à l'emplacement initial des originales. Très usées par le temps, ces dernières, restaurées, trouvent refuge à l’abri vent, sur des socles en granit dans le narthex de la cathédrale.

Opération délicate. L'exercice particulièrement délicat de l'installation des statues a été réalisé sur deux jours lundi et mardi - sous le contrôle des conservateurs du patrimoine de la Drac - et a nécessité l'intervention d'une entreprise spécialisée, à grand renfort de grues, chaque statue pesant environ 250 kilos.

Symbole. L'ensemble de sculptures, qui représente le martyr de saint Etienne, rare et remarquable. « La statue originale de l'évêque saint Martial faisait face au groupe de lapidation de saint Etienne, souligne Nicolas Vedelago, conservateur des monuments historiques. Il est composé de quatre statues, avec le saint martyrisé par deux lapidateurs, et surmonté par la figure du Christ ». Parallèlement à la réalisation des copies, les originales, datant du XIVème siècle, ont été restaurées, dans le même atelier Tollis, situé à Chevilly-la-Rue. Un travail d’envergure, débuté en 2012. Les jumelles, sculptures très fines réalisées en calcaire et à la main, avec des outils traditionnels, « ont été patinées, pré-usées mécaniquement et avec un micro sablage », note encore Nicolas Vedelago. Une façon de réduire le contraste visuel avec la façade plus sombre de la cathédrale.

Sens du détail. « Certains détails ont été restitués pour compléter des manques, précise Adeline Rabaté, du conservatoire régional des monuments historiques. Sur les copies, on peut se permettre plus de choses afin d’améliorer la lisibilité. » Comme la main du bourreau de Sain Etienne disparue sur l’originale et qui a été reproduite sur la jumelle. « Elle est reliée au vêtement qui tient les pierres pour la lapidation. »

François Renard, le curé de la cathédrale, garde aussi un œil sur l’installation, admiratif devant le travail effectué. « Les copies sont fabuleuses. Regardez comme la mitre de saint Martial a bien été réalisée. Quelle finesse ! »

L’orientation en plein nord les soumettant à de rudes conditions météo ; nul ne sait combien de temps les copies resteront en l’état. « Je pense que là, on est reparti pour 500 ans », estime en souriant le conservateur des monuments historiques.

Le coût de la restauration et des copies qui s’élève à 120 000€ a été financé par la DRAC.

Un peu d'histoire : (communiqué de presse de la DRAC

Restauration et copie des groupes sculptés de la façade nord du chevet de la cathédrale Saint Etienne de Limoges

Dès 1956, la statue de saint Martial, ainsi que l’ensemble sculpté de la lapidation de saint Etienne, étaient déposées des niches extérieures dans la cathédrale pour des raisons de conservation. En 2014 celles-ci ont été restaurées puis dupliquées par l’atelier Tollis. Leurs jumelles modernes viennent reprendre leur place dans les niches d’origine du chevet nord de la cathédrale. Il s’agit du seul ensemble sculpté conservé à l’extérieur de la cathédrale avec le Christ au centre du portail Saint-Jean.
Cette opération de restauration et de duplication a été réalisée pour un montant de 120 000€.

La cathédrale et son décor

La cathédrale de Limoges a mis six siècles à être achevée. L’édifice roman dont subsistent aujourd’hui la crypte et le clocher, est remplacé à partir du XIIIème siècle par un monument de style gothique, le seul homogène en Limousin. Le chantier commence en 1273, avec la construction du chœur, espace le plus important du culte. Il s’arrête en 1327, faute de moyens. A la fin du XIVème siècle, est réalisé le transept, d’abord la partie nord, puis la partie sud. Après la construction du portail saint Jean, dans la première moitié du XVIème siècle, le chantier s’arrête et le clocher reste séparé du chœur. Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle que les trois travées de la nef et le narthex sont achevés.
Les nombreuses consoles et dais sculptés sur les façades extérieures anciennes marquent l’emplacement du décor sculpté dont seules subsistent les sculptures remises aujourd’hui en place. La nef, construite au XIXème siècle, comporte également des consoles à l’extérieur, au niveau des contreforts, mais celles-ci n’ont jamais été pourvues de statues.

Un décor sculpté remarquable

La statue originale de l’évêque saint Martial, auparavant placée dans une niche architecturée dans le contrefort du côté nord du chevet, faisait face au groupe de la lapidation de saint Etienne. Celui-ci est composé de quatre statues, placées sur deux registres : le saint martyrisé par les deux lapidateurs qui l’encadrent est surmonté par la figure du Christ bénissant et tenant l’Orbe, symbolisant le monde.
La représentation du martyr de saint Etienne en sculpture est assez rare, l’articulation de trois figures séparées dans des niches est très originale. Saint Etienne, un des sept premiers diacres, chargés d’assister les apôtres, est aussi le premier martyr de la chrétienté, condamné à la lapidation. Saint Etienne est ici représenté à genoux, en prière, dans sa dalmatique (tunique de diacre) aux manches amples. Son col est orfévré (orné de pierre et métal précieux). Ses deux bourreaux sont debout sur des tas de cailloux. Avec leurs visages grimaçants, ils renvoient à l’image du pécheur universel, d’où leur costume contemporain, composé d’une tunique, de chausses médiévales et d’un chaperon. Le Christ, au contraire, porte un costume à l’antique avec un manteau drapé sur les épaules.
Saint Martial, apôtre de l’Aquitaine, est représenté la tête couverte d’une mitre orfévrée, il porte une chasuble et un pallium, une écharpe marquant sa dignité archiépiscopale.

Des statues en mauvais état

Ces œuvres du XIVème siècle ont été réalisées dans une pierre calcaire jaune, appelée calcaire de Chauvigny, une carrière située au sud de Poitiers. Cette pierre tendre a permis aux sculpteurs médiévaux de réaliser une sculpture de grande qualité, avec de nombreux détails. C’est cependant un matériau fragile qui s’est érodé avec le temps. Des photographies du début du XXème siècle montrent déjà les importantes pertes de matière qu’ont subies les statues de la cathédrale.
Pour des raisons de conservation, elles sont déposées au milieu du XXème siècle dans la cathédrale. Restaurées en 1986, elles sont installées l’année suivante sur des socles en granite dans le narthex. En 2012, la direction régionale des affaires culturelles fait réaliser, par le restaurateur Yves Connier, un état sanitaire de ces sculptures. Il met en évidence la nécessité de prévoir un complément de restauration, certaines zones étant à consolider. Cette intervention, qui nécessite la dépose des sculptures, est l’occasion de faire réaliser des copies de ces originaux afin de les replacer sur les niches d’origine à l’extérieur du chevet de la cathédrale.

Une restauration limitée

En raison de la faiblesse du matériau des statues originales, des parties avaient disparu : la main droite de saint Martial, la crosse qu’il tenait dans sa main gauche, les doigts bénissants du Christ, les mains de saint Etienne, jointes en prière, la main gauche et la jambe d’un bourreau. En outre, la finesse des détails avait par endroits disparu à cause de l’érosion et du lessivage de la pierre calcaire, conséquence d’une dégradation physico-chimique du matériau.
Après un nettoyage au pinceau et par micro gommage, qui a permis la redécouverte de traces d’une polychromie ancienne, les statues ont été restaurées, des goujons en fibre de verre sont venus s’insérer entre des éléments dissociés pour leur rendre leur unité. Elles ont ensuite été consolidées par application de silicate d’éthyle pour favoriser la cohésion interne du matériau.

Des copies pour une meilleure lisibilité

Si la restauration a respecté exactement l’état de conservation des sculptures, la réalisation de copies a donné la possibilité de compléter certains manques pour permettre une meilleure lisibilité. Ainsi, les sculpteurs de l’atelier Tollis ont-ils restitué par exemple la jambe gauche d’un lapidateur, une pierre sur la tête de saint Etienne, ainsi que les plis de son manteau, la bordure de la mitre de saint Martial, les doigts et certains plis du manteau du Christ. Seuls les éléments qui pouvaient être restitués avec un minimum d’interprétation l’ont été, les copies ne sont donc pas absolument complètes. Ces ajouts ont d’abord été réalisés sur les originaux avec des matériaux neutres et réversibles qui ont été retirés en fin d’opération.
Les copies ont été réalisées, par des sculpteurs, en taille directe dans une pierre présentant un grain similaire à celui du matériau d’origine en utilisant la méthode de report de points, consistant à prendre les mesures précises de l’original et à les reporter sur le bloc de la nouvelle sculpture. Afin d’harmoniser les reproductions aux façades historiques de la cathédrale, une usure artificielle a été réalisée mécaniquement et par micro-abrasion, une patine de vieillissement a également été apposée.

La cathédrale retrouve ainsi son décor sculpté remarquable sur le chevet nord, du côté de la place Saint-Etienne. Les originaux seront quant à eux exposés à l’intérieur du narthex de la cathédrale.

 

 

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