Homélie du P. Michel MENEAU pour la fête de l'Immaculée Conception

Homélie pour la fête de l’Immaculée Conception le 8 décembre 2020, église Saint Pierre-Limoges.

En ce temps de l’Avent, nous fêtons Marie conçue sans péché. Cette fête de l’Immaculée Conception s’inscrit dans le plan d’amour de Dieu pour les hommes. A l’écoute de la Parole de Dieu qui nous est donnée en ce jour, nous sommes appelés à mettre Dieu au cœur de nos vies à la suite de Marie.

Dans la première lecture, écoutons une femme, celle qu’Adam appelle « la chair de ma chair, les os de mes os », dire à Dieu : « le serpent m’a trompé et j’ai mangé du fruit de l’arbre interdit. » L’arbre de la connaissance du bien et du mal dont Dieu avait interdit de manger le fruit. Cette femme prend conscience ici qu’elle se sépare de Dieu. Quelle lucidité sur sa condition humaine. Elle prend conscience de sa capacité à désobéir à Dieu pour se laisser à son propre désir. Elle nous révèle notre capacité humaine à agir en toute liberté d’une manière désaccordée à Dieu. Elle découvre que le mal est inhérent à la condition humaine. C’est alors que cette femme va prendre son nom, Eve : « la vivante parce qu’elle est la mère de tous les vivants. » Elle devient la mère de tous, en ce que nous sommes capables de nous désaccorder de Dieu en laissant le mal nous guider, agir en nous. C’est ce que nous appelons le péché.

L’auteur du récit de la Genèse ne pouvait pas imaginer le projet de Dieu pour toute l’humanité. Saint Paul, dans ce très bel hymne aux Ephésiens vient nous aider à percevoir ce projet : « En Jésus, nous sommes devenus le domaine particulier de Dieu, nous y avons été prédestinés selon le projet de celui qui réalise tout ce qu’il a décidé : il a voulu que nous vivions à la louange de sa gloire. » Voilà ce projet de Dieu, un projet de toute éternité : « que nous vivions à la louange de sa gloire. » C’est-à-dire que notre vie se tourne éternellement vers Dieu pour lui rendre grâce pour son amour pour tous. Marie va accomplir pleinement ce projet auquel nous sommes tous appelés.

Pour que ce projet s’accomplisse Dieu le Père a confié une mission à son Fils dès avant la fondation du monde. La mission de partager notre humanité pour que, par le don de sa vie, nous soyons libérés du mensonge, libérés de la division d’avec lui, libérés du serpent diabolos qui veut dire le diviseur. Dieu a voulu que la séparation d’avec lui, telle que l’a vécu Eve ne soit plus jamais à l’œuvre.

Mais pour accomplir ce projet une question se posait. Comment permettre que Jésus, ce Fils divin, vienne au monde sans connaître cette corruption que nous appelons le péché ? Comment permettre qu’il vive pleinement homme et pleinement Dieu en toute circonstance ? Il nous semble qu’humainement, rationnellement nous soyons devant une impasse. Et si nous le percevons ainsi, c’est que nous regardons Dieu à partir de nos yeux d’humains. Nous regardons Dieu en fonction de nos capacités humaines. Nous oublions que Dieu Père, Fils et Saint Esprit est un créateur à qui rien n’est impossible. Aussi pour que Jésus accomplisse sa mission de Fils de Dieu, une mission de salut du monde, il a de toute éternité préparé un écrin pur de tout péché, comme nous dit saint Jean Eudes. Que le « sans tache » puisse naître au monde dans un corps non corrompu par le mal. Cette femme, préparée de toute éternité se nomme Marie. Elle est la comblée de grâce, sans forcément savoir qu’il en est ainsi car, nous dit l’évangile, « Marie se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. » Merveilleuse constatation de la part de Marie, humilité totale de cette femme qui n’avait pas conscience du privilège extraordinaire d’avoir été conçue sans péché. Marie est une femme en vérité, vivant libre dans l’accomplissement de sa vie. Et lorsque l’ange Gabriel, c’est-à-dire « Dieu annonce », vient lui révéler qu’elle allait avoir un fils et qu’il serait appelé « fils du Très-Haut », elle prend conscience rationnellement, en discernant entre la demande et sa propre vie, que cela ne peut pas humainement s’accomplir. « Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais pas d’homme ? » dit-elle à l’Ange. Marie perçoit que Joseph, cet homme qu’elle aime, avec qui elle est fiancée, ne peut pas être le géniteur de cet enfant. Comment un homme peut-il être le père du Fils de Dieu ? Marie consentait à accomplir la Parole de Dieu, cependant elle ose interpeler Dieu pour lui dire l’impossibilité humaine qu’il en soit ainsi. Marie est une femme libre dans sa vérité humaine.

C’est alors que l’impossible aux yeux humains peut s’accomplir par l’action de Dieu, un Dieu fidèle, qui mène son projet à terme. Et comme il le dira à Marie en parlant de sa cousine Elisabeth, vieille femme stérile maintenant enceinte, « Rien n’est impossible à Dieu ». L’ange annonce alors l’action créatrice trinitaire qui va se mettre en œuvre. L’Esprit Saint couvrira Marie de son ombre et dans le plus intime secret, Jésus se concevra en Marie. Mais avant qu’il en soit ainsi, Dieu attend l’adhésion pleine et entière de Marie, une adhésion libre dans l’infini respect de la condition humaine. La comblée de grâce, devant une telle annonce ne regarde plus l’avenir qu’elle avait envisagé, elle lâche prise de sa raison humaine pour entrer pleinement dans la volonté de Dieu : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta Parole. » A ce moment Marie devient la nouvelle Eve en ce qu’elle n’est plus en opposition à Dieu mais dans le plein accomplissement de la Parole. Elle devient la mère des vivants, la mère des vivants de Dieu pour toujours. L’Amour de Marie pour Dieu et son amour pour son peuple et par là pour toute l’humanité l’a rendue totalement disponible à l’accomplissement de la Parole de Dieu en elle.

A la suite de Marie, nous sommes invités à accueillir Jésus en notre vie. Nous qui avons instinctivement le goût du péché comme Eve, regardons vers Marie qui a le goût de Dieu. Nous découvrons alors que Dieu compte sur nous, il nous confie une mission, une responsabilité. Par le baptême, nous sommes devenus plongés en Dieu Trinité, capables d’accomplir la responsabilité qu’il attend de nous : Être Jésus dans notre paroisse, notre famille, nos lieux de vie et de travail, témoignant de l’Amour de Dieu pour tous. Jésus ressuscité, vivant en nous, continue à vouloir chercher et sauver ceux qui sont perdus dans la réalité de notre entourage, dans la réalité de notre monde d’aujourd’hui. C’est un appel qu’il nous fait de vivre ainsi et la réponse à son appel appartient à chacun de nous. Comme il a eu besoin de l’accord de Marie, Dieu a besoin de notre accord personnel. Ne craignons pas : cette mission est tournée vers le bonheur, le nôtre et celui des hommes. En ce temps de l’Avent qui porte à l’Espérance, demandons à Dieu de nous rendre accueillants à la venue de son Fils dans notre vie et notre monde. Avec Marie osons dire du plus profond de notre cœur : « Je suis la servante, le serviteur du Seigneur, que tout m’advienne selon ta parole. »

Michel Meneau, eudiste.

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